Le licenciement pour faute grave

C’est le cas du licenciement pour motif personnel entraînant une brusque rupture du contrat de travail, le plus souvent assortie d’une mise à pied conservatoire. Le salarié devra alors quitter sur le champs l’entreprise.

Le code du travail ne définit pas la faute grave. Selon la Cour de cassation « la faute grave, qui peut seule justifier une mise à pied conservatoire, est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise » (Cass soc 27 septembre 2007 P. 06-43867).

C’est la gravité de la faute qui doit permettre d’imposer la cessation immédiate de la relation de travail. Licencié pour faute simple, le salarié pourra prétendre à un préavis et à une indemnité de licenciement. 

Le plus souvent, désemparé par la violence d’une telle procédure, le salarié doit patienter jusqu’à l’entretien préalable pour que l’employeur lui expose les griefs qu’il retient à son encontre. Si l’employeur peut à ce stade toujours renoncer à la procédure de licenciement, cela reste extrêmement rare et même illusoire. La notification du licenciement ne saurait tarder après l’entretien préalable : 2 jours ouvrables minimums après l’entretien et un mois maximum.  

En revanche, même si la procédure de licenciement est assortie d’une mise à pied conservatoire, l’employeur conserve la capacité de mettre en œuvre une sanction plus légère.

Le juge pourra requalifier la faute retenue par l’employeur dans un sens plus favorable au salarié car il ne peut pas aggraver la faute invoquée dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige (Cass. soc. 20 déc. 2017, P. 16-17.199). De cette façon les motifs du licenciement doivent faire expressément référence à la « faute grave ».

La faute grave prive le salarié de tout droit au préavis et à une indemnité de licenciement sauf disposition plus favorable du contrat de travail ou de la convention collective (par exemple la convention collective de la publicité).

Le salarié conserve ses droits à congés payés, à l’indemnité de non concurrence, à sa rémunération variable ainsi qu’à l’intéressement. La privation de cette dernière constituerait d’ailleurs une sanction pécuniaire illicite.

Les faits reprochés doivent être imputables au salarié personnellement et constituer une violation des obligations du contrat de travail d’une importance telle que le maintien du salarié dans l’entreprise est impossible, même pendant la durée du préavis. Dans le cadre d’un licenciement pour faute grave le salarié n’effectue pas de préavis.

Ni l’intention de nuire ni la preuve d’un préjudice particulier pour l’employeur ne sont nécessaires pour valider la faute grave.

Des sanctions antérieures ne sont pas indispensables pour admettre la qualification de faute grave, cependant les juges apprécient la gravité du ou des manquements selon qu’ils sont isolés, ont été tolérés pendant une longue période et ont ou non donné lieu à des sanctions antérieures.

 Comme n’importe quelle sanction, les motifs du licenciement ne doivent pas être un prétexte, ils doivent bien entendu être réels et la véritable raison de la rupture du contrat de travail : le juge pourra vérifier si un licenciement pour faute grave ne dissimule pas une suppression de poste (Cass. Soc. 13 février 2008 P. 06-43.849).

La charge de la preuve de la cause réelle et sérieuse du licenciement n’incombe ni à l’une ou l’autre des parties mais il en est autrement s’agissant de la faute grave. C’est à l’employeur d’établir la réalité des faits reprochés au salarié. Dans les deux cas cependant, lorsqu’un doute persiste sur la réalité des motifs invoqués par l’employeur, il profite au salarié (Cass. soc. 1er février 2017, P. 15-26145).

La prescription des faits suppose que l’employeur engage la procédure de licenciement dans un délai de 2 mois qui suit la connaissance des faits. S’agissant de la faute grave, l’employeur doit agir avec célérité après la découverte des faits sous peine que le juge réfute le caractère de gravité à une procédure engagée plusieurs semaines après la connaissance parfaite des faits par l’employeur.

Le licenciement pour faute grave ne peut conduire à ce qu’une même faute soit sanctionnée deux fois, cependant la Cour de cassation considère que la poursuite par un salarié d’un fait fautif autorise l’employeur à se prévaloir de faits similaires pour caractériser une faute grave.

Si une mise à pied conservatoire est notifiée, l’employeur doit engager la procédure de licenciement de manière concomitante. A défaut la mise à pied perd son caractère conservatoire et devient une sanction. Le licenciement notifié ultérieurement pour faute grave devient alors nécessairement sans cause réelle ni sérieuse (Cass. soc. 30 oct 2013 P.12-22962). 

 

L’appréciation judiciaire des fautes se fait individuellement en fonction des circonstances de chaque situation. Les juges peuvent prendre en considération :

  • l’ancienneté du salarié,
  • l’absence de reproches antérieurs :

Ce n’est cependant pas une obligation. Les juges valideront ainsi la faute grave malgré une ancienneté importante du salarié ou en l’absence de reproche antérieur dans le cadre de leur pouvoir souverain d’appréciation

Les juges peuvent aussi prendre en considération le comportement de l’employeur pour apprécier s’il est à l’origine d’une éventuelle provocation du salarié (injures). Une telle attitude permettra alors de retirer au faits reprochés le critère de gravité même s’ils sont établis.

 

A l’inverse les juges apprécieront le comportement du salarié avec plus de sévérité selon la nature de ses responsabilités et du poste occupé :

–  Aurait-il dû « donner l’exemple » ?

– jouit-il d’une grande autonomie dans l’exercice de ses responsabilités ?

– Les manquements reprochés et établis concernent-ils la sécurité des salariés, des clients, du public ?

 

La faute grave est : 

  • retenue en cas d’abandon de poste lorsque le salarié quitte son poste avant la fin de son service sans autorisation et dans un contexte de forte activité (Cass. soc. 9 mars 2011 – P n° 09-43.520)
  • non retenue lorsqu’il apparaît que le salarié a quitté son poste pour se rendre chez son médecin (Cass. soc. 16 janvier 2002 P n° 00-40.999) 
  • retenue en cas de travail du salarié chez un concurrent pendant les congé payés du salarié (Cass. soc. 5 juillet 2017 16-15.627) et même de faute lourde en cas de détournement de la clientèle de l’employeur (Cass. Soc.27 fév 2013 P n° 11-28.481) 
  • non retenue en cas d’expression de critique et d’insatisfaction sans volonté de porter atteinte aux intérêts de l’entreprise (Cass soc. 13 juillet 2016 P. n° 15-12.430)
  • retenue en cas de refus d’un simple changement des conditions de travail caractérisant une insubordination (Cass. soc. 6 janvier 2016 P. n° 14-20.109)
  • retenue à l’égard d’un salarié ayant tenu des propos à connotation sexuelle et exercé des pressions à l’égard de plusieurs salariés (Cass. soc. 18 fév. 2014 P. n° 12-17.557)
  • retenue vis à vis d’une salariée ne respectant pas les consignes de son employeur (Cass. soc 2 avril 2014 P. 13-11.531)
  • retenue vis à vis d’un salarié ayant refusé de porter les vêtements de sécurité (Cass. soc. 19 juin 2013 P. 12-14.246)  
  • retenue à l’égard d’un salarié ayant proféré des insultes et fait preuve d’agressivité (Cass 19 janvier 2017 P. 15-24.603)
  • non retenue concernant le vol de marchandises périssables de faible valeur (Cass soc. 25 octobre 2011, P. 10-18.542)

 

En cas de faute grave commise pendant le préavis, l’employeur conserve la capacité de rompre ce dernier. Un arrêt récent de la Cour de cassation Cass. soc. 6 mars 2019 (P. n°17-27.788) admet cette procédure sans entretien préalable dès lors que la notification de la rupture du préavis est motivée :

 

Mais attendu qu’abstraction faite de sa qualification erronée par l’employeur, la mise à pied, motivée, du salarié, constituait une mise à pied disciplinaire qui mettait fin au préavis ; que le moyen, inopérant en sa troisième branche, qui critique l’absence de motivation de la lettre de licenciement qui n’avait pas lieu d’être, le contrat de travail étant déjà rompu par la démission du salarié et quatrième branche dès lors qu’une faute grave avait les mêmes effets sur l’exécution du préavis qu’une faute lourde, n’est pas fondé pour le surplus ; 

 

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